(NdT : Un autre aspect du travail de traducteur, malheureusement... Quand on passe un temps fou - qui se compte en heures ou en jours - à chercher la traduction d'une expression un peu difficile. Et qui par ailleurs n'est même pas importante dans le livre.)
Le passage (p. 154) concerne une technique de marketing : par ex., envoyer aux médecins des calendriers avec des photos de Van Gogh (parce que les psychiatres seraient des fans d'art), afin de vendre des antidépresseurs... Un de ses interviewés qualifie ça avec un terme technique, sur lequel on trouve quelques vagues trucs sur Internet en anglais (mais pas en français), assez critiques d'ailleurs : "borrowed interest" :
Les explications que je donnais dans un mail à mon éditrice :“ (...) Une autres difficulté notable que j'ai rencontrées pour le chapitre 6 ; je pensais que vous gagneriez du temps si j'attirais tout de suite votre attention dessus. Il s'agit de "Borrowed interest" : C'est un terme marketing, mais je n'ai quasiment rien trouvé en français. La principale page qu'on trouve sur Internet sur le sujet, c'est moi qui l'ai créée en lançant une discussion sur un site de marketing (sans réponse convaincante)... Rien dans les lexiques franco-anglais du marketing non plus ; finalement, j'ai trouvé un passage où ils utilisaient (et donc traduisaient) la notion dans Les marques pour les Nuls. Je pense que la traduction est bizarre, mais finalement je m'en suis inspiré. Voici, pour mémoire, le texte original, en anglais (Branding for Dummies, p. 198) :
In some ads, the art shows the product being advertised. In other cases, it shows the product in use or represents the benefits the product delivers. In yet other cases, the art relies on what's called borrowed interest by featuring a photo or an illustration that indirectly relates to the ad message.La traduction en fr. (p. 323) :
Certaines annonces présentent le produit dont elles font la publicité. D'autres mettent en scène le produit en cours d'utilisation ou représentent les bénéfices qu'il délivre. C'est ce qu'on appelle la route centrale, celle qui s'appuie sur les attributs du produit ou service. Dans d'autres cas encore, la partie graphique repose sur ce qu'on appelle la route périphérique, une approche consistant à utiliser des éléments visuels attractifs indirectement liés au message de l'annonce.Quant au passage d'Emily Martin (encore une fois, la trad. que je propose n'est vraiment pas fameuse, mais....) :
Later, Jack Levy, medical director of an advertising agency, explained the general principle behind the effort: borrowed interest. Inside the mailing tube with the calendar would be a paragraph on the famous figure and then a full Lithium-P sell: "An example of borrowed interest would be using Cal Ripkin in an ad for a beta blocker. Cal doesn't take the drug, but we borrow his long duration and hope it sticks to the drug." (p. 154)Qui devient :
Plus tard, le directeur médical d’une agence de publicité, Jack Levy, m’expliqua le principe général derrière cette démarche : capter l’attention par une voie détournée. A l’intérieur du cylindre dans lequel on envoie le calendrier, il y a un paragraphe sur le personnage célèbre et ensuite un argumentaire complet sur le Lithium-P : « Un exemple de voie détournée serait d’utiliser [le joueur de base-ball] Cal Ripkin dans une publicité pour un bêta-bloquant. Cal ne prend pas ce médicament, mais nous essayons de capter l’image de sa longévité exceptionnelle en espérant qu’elle soit associée au médicament. »
(...) Cordialement etc. ”
Comme d'habitude, les suggestions sont les bienvenues, je ne suis pas du tout enchanté par cette solution.
(Tout de même une petite satisfaction dans cette histoire : c'est la première fois qu'une technique de traduction que j'avais imaginée exactement pour ce genre d'expressions donne quelque chose. Il s'agit de chercher dans Google Livres des ouvrages anglais qui utilisent l'expression qui m'intéresse, puis de regarder sur le catalogue de la BNF s'ils ont été traduits. Malheureusement, vu le nombre de traductions, c'est surtout une technique pour perdre son temps. Quand j'ai vu ce titre "for Dummies", je me suis dit que c'était ma chance, vue la popularité de la série en français aussi. Néanmoins, la version française est largement adaptée, des passages entiers sont enlevés / rajoutés. Sur les trois occurrences de l'expression dans l'originale, je n'ai retrouvé que celle-ci, ce qui est déjà un coup de chance.
Un autre aspect, encore, mérite d'être souligné : le rôle des gens autour de soi. Il ne faut pas en attendre des miracles, parce qu'ils réfléchissent quelques minutes à un problème de traduction qu'on travaille en général depuis des jours. Mais parfois leur avis permet de trancher ou de finaliser quelque chose. C'est le cas ici, où j'avais, en gardant l'idée du livre pour les Dummies, pensé à "capter l’attention par une route périphérique". Mais, quand j'ai demandé conseil, on m'a suggéré plutôt cette "voie détournée", qui sonne mieux. "Route périphérique" est une expression attestée en marketing, au contraire de "voie détournée", mais j'imagine que le public d'un livre d'anthropologie médicale s'en fiche un peu.)